
Hier soir, une séance du Conseil municipal d'Aubrives a eu lieu avec un ordre du jour aussi épais qu'une feuille de papier à cigarette: un seul sujet était soumis à la "délibération" (vous comprendrez plus loin le sens des guillemets!) des élus municipaux, en l'occurrence l'approbation d'une convention de partenariat entre la commune ou le CCAS d'une part et l'ADAPAH (association départementale d'aide aux personnes âgées et handicapées) d'autre part afin que les habitants du village puissent bénéficier à un prix réduit de certains services proposés par cette association. Cette convention était destinée à faire face à la cessation des services à la personne (aide ménagère, tonte de pelouse et petit bricolage) qui étaient jusqu'alors gérés bénévolement par "l'Aubrivoise Des Services". Elle était donc la bienvenue, étant donné la demande existant dans le village pour ces activités relevant de l'économie sociale et solidaire.
Son adoption n'aurait en principe dû poser aucune difficulté. Hélas, ce ne fut pas le cas! Pourquoi? D'abord parce que cette convention qui avait été présentée à grand renfort de trompettes comme la solution permettant la continuité de tous les services rendus jusqu'ici aux habitants de la commune s'est révélée très inférieure à ce que l'on pouvait légitimement attendre: dès le 1er article, il était précisé qu'elle ne concernait que les services de jardinage et de bricolage! Quid de l'aide ménagère qui est le service le plus demandé par les Aubrivois, et notamment par la population la plus âgée? Mystère! La convention miracle a donc fait pschitt avant même d'entrer en vigueur. Quand je pense qu'elle a mobilisé l'énergie cérébrale de plusieurs personnes pendant un mois, je me dis que la productivité intellectuelle n'est plus ce qu'elle était. La deuxième raison qui a fait que l'adoption du texte proposé n'a pas été un long fleuve tranquille est que les aides financières apportées par la commune pour diminuer le coût de l'accès à ces services n'avaient pas été définies de façon optimale. C'est pourquoi j'ai déposé en séance un amendement dont voici le texte intégral:
"Dans le cadre de la convention de partenariat que la commune d’Aubrives s’apprête à conclure avec l’ADAPAH, il est prévu que la municipalité prenne à sa charge une partie du coût horaire des prestations afin de faire bénéficier ses habitants d’un service de jardinage et de bricolage à un prix réduit. La participation proposée s’élève à 2 euros par heure pour les personnes en activité, à 4,75 euros pour les personnes retraitées à partir de 60 ans qui sont imposables et à 8,50 euros pour les personnes retraitées à partir de 60 ans qui sont non imposables. Sur le principe, cette prise en charge partielle est la bienvenue en ce qu’elle aboutit, d’une part à rendre plus aisé l’accès de notre population à ces services qui améliorent la vie au quotidien, et d’autre part à développer l’économie sociale et solidaire qui est actuellement une des activités les plus créatrices d’emplois en France et celle que la région Champagne-Ardenne a choisi de soutenir en priorité. La différenciation du montant des aides financières apportées à ces 3 catégories est également une bonne chose puisqu’elle permet de limiter le coût horaire après réduction ou crédit d’impôt à 3,75 euros pour les personnes retraitées à partir de 60 ans et à 5,125 euros pour les personnes en activité : cela représente un écart de 27% qui correspond peu ou prou à la baisse de revenu subie par les personnes qui arrivent à l’âge de la retraite.
Toutefois, la participation financière de la commune d’Aubrives telle qu’elle est actuellement proposée me semble poser un problème : elle laisse à la charge du bénéficiaire de la prestation un coût réel identique, qu’il soit imposable ou non imposable. En d’autres termes, elle aboutit à demander le même effort financier à ceux qui vivent dans une certaine aisance et à ceux qui connaissent des difficultés pécuniaires. Elle aide autant les « riches » que les « pauvres » ! Moralement, ce résultat qui va à l’encontre d’une des bases de notre pacte social scellé en 1945, à savoir faire participer chacun à hauteur de ses moyens financiers et redistribuer à chacun à hauteur de ses besoins, est difficilement défendable. C’est pourquoi je suggère de modifier la participation horaire de la commune d’Aubrives qui nous est proposée et de la fixer de la façon suivante :
Personne en activité imposable: 12,25 euros par heure - 1,50 euros de participation communale - 5,375 euros de réduction d'impôt = 5,375 euros par heure de coût réel
Personne en activité non imposable: 12,25 euros par heure - 2,50 euros de participation communale - 4,875 euros de crédit d'impôt = 4,875 euros par heure de coût réel
Personne retraitée de plus de 60 ans non imposable: 12,25 euros par heure - 8,75 euros de participation communale - aucune aide de l'Etat = 3,50 euros par heure de coût réel
Personne retraitée de plus de 60 ans imposable: 12,25 euros par heure - 4,75 euros de participation communale - 3,75 euros de réduction d'impôts = 3,75 euros par heure de coût réel
Toutefois, la participation financière de la commune d’Aubrives telle qu’elle est actuellement proposée me semble poser un problème : elle laisse à la charge du bénéficiaire de la prestation un coût réel identique, qu’il soit imposable ou non imposable. En d’autres termes, elle aboutit à demander le même effort financier à ceux qui vivent dans une certaine aisance et à ceux qui connaissent des difficultés pécuniaires. Elle aide autant les « riches » que les « pauvres » ! Moralement, ce résultat qui va à l’encontre d’une des bases de notre pacte social scellé en 1945, à savoir faire participer chacun à hauteur de ses moyens financiers et redistribuer à chacun à hauteur de ses besoins, est difficilement défendable. C’est pourquoi je suggère de modifier la participation horaire de la commune d’Aubrives qui nous est proposée et de la fixer de la façon suivante :
Personne en activité imposable: 12,25 euros par heure - 1,50 euros de participation communale - 5,375 euros de réduction d'impôt = 5,375 euros par heure de coût réel
Personne en activité non imposable: 12,25 euros par heure - 2,50 euros de participation communale - 4,875 euros de crédit d'impôt = 4,875 euros par heure de coût réel
Personne retraitée de plus de 60 ans non imposable: 12,25 euros par heure - 8,75 euros de participation communale - aucune aide de l'Etat = 3,50 euros par heure de coût réel
Personne retraitée de plus de 60 ans imposable: 12,25 euros par heure - 4,75 euros de participation communale - 3,75 euros de réduction d'impôts = 3,75 euros par heure de coût réel
L’adoption de cette nouvelle grille de participation financière aurait 3 avantages : elle permettrait aux personnes en activité non imposables d’avoir accès aux services de jardinage et de bricolage à un coût presque 10% moins élevé que celui demandé aux personnes en activité imposables, sans que cela ne pèse sur les finances de la commune ; elle aboutirait à rendre l’accès à ces services presque 7% moins cher pour les retraités de plus de 60 ans non imposables que pour les retraités de plus de 60 ans imposables, avec un impact financier réduit pour la commune et un effort de solidarité au minimum maintenu pour tous les retraités ; elle maintiendrait un écart entre le coût réel demandé aux personnes retraitées de plus de 60 ans non imposables et les personnes en activité non imposables de 28% et celui entre les personnes retraitées de plus de 60 ans imposables et les personnes en activité imposables de 30%.
Les avantages du projet initial seraient ainsi préservés et les capacités financières réelles des bénéficiaires de ces prestations mieux prises en compte. Je propose donc au Conseil municipal d’examiner avec attention et bienveillance cette proposition et de se prononcer en son âme et conscience".
Les avantages du projet initial seraient ainsi préservés et les capacités financières réelles des bénéficiaires de ces prestations mieux prises en compte. Je propose donc au Conseil municipal d’examiner avec attention et bienveillance cette proposition et de se prononcer en son âme et conscience".
Le résultat a été édifiant! Ma proposition s'est heurtée à un tollé général, avec des remarques comme "ça y est, on nous rejoue l'Internationale" ou encore "si il y a des personnes qui sont imposables, c'est parce qu'elles ont fait des efforts toute leur vie pour avoir une maison et un petit confort alors que ceux qui sont non imposables, pour des raisons diverses, n'ont pas fait les même efforts et n'ont pas dû travailler de la même façon". A l'adresse de l'auteur de la 1ère de ces pseudo-réflexions, j'ai envie de dire qu'il a une certaine cohérence eu égard à la profession libérale qu'il exerce, mais qu'il aurait beaucoup à "gagner" à se renseigner sur les acquis sociaux obtenus dans le passé par ceux qui chantaient cet hymne. Peut-être veut-il revenir dessus? C'est son droit, mais qu'il laisse aux autres le droit de penser autrement. Quant à l'auteur de la 2ème de ces pseudo-réflexions, j'ai envie de lui rappeler que les héritages existent encore, ainsi que les handicaps, les accidents de la vie ou le déterminisme social, et que sa position est étonnante eu égard au métier qu'il a exercé et qui l'a amené à recevoir des émoluments de l'Etat provenant des impôts pour lesquels il ne semble plus avoir un grand respect.
Vous pensez certainement que le pire était passé. Malheureusement non! Le fond a été touché avec le vote du 2ème article de la convention sur lequel portait mon amendement. Il a eu lieu pendant la distribution aux conseillers municipaux de mon texte, qui n'ont donc pas pu en prendre connaissance, au prétexte qu'une commission élargie s'était déjà penchée sur la question et que le projet auquel elle avait abouti ne saurait être modifié d'une quelconque façon. Le résultat a donc été sans appel: 14 voix pour le texte de la commission! Mon amendement a donc été rejeté, en déduisez-vous certainement. On ne le saura jamais puisqu'il n'a à aucun moment été soumis au vote du Conseil municipal par un maire qui a prononcé ces mots montrant à la fois sa grande élégance et la profondeur de sa réflexion: "c'est bon, c'est bon, on t'as assez entendu". Bien évidemment, j'ai essayé d'expliquer que le rôle des commissions est limité à l'étude des affaires et à la préparation des dossiers, mais qu'elles ne peuvent en aucun cas prendre une décision puisque celle-ci appartient de droit au conseil municipal qui se prononce publiquement après une délibération au cours de laquelle un droit d'amendement est reconnu à tout conseiller. Peine perdue, la seule réponse que j'ai eu a été une tentative d'intimidation ("tu es en train de jouer avec un élastique qui va te revenir en pleine figure") de la part d'un adjoint qui s'était déjà illustré l'an dernier en insultant copieusement un membre de la Communauté de communes.
Dans ce contexte délétère, j'ai décidé symboliquement de quitter la table du conseil municipal et de m'asseoir avec l'assistance pour ne pas cautionner une mascarade. Certains ont vu dans cet acte une démission, ce qui leur a rendu sans aucun doute la dégustation de champagne qui suit désormais toute séance du conseil encore plus agréable qu'à l'accoutumée. Il faut croire qu'ils ne me connaissent pas. Loin de laisser le champs libre à ceux qui ont pris la mauvaise habitude d'en prendre à leur aise avec les pratiques républicaines, qu'elles soient d'origine législative ou judiciaire, je suis plus décidé que jamais à remplir pleinement mon rôle d'élu. Il n'est donc nullement question de démission, mais plutôt de rétablir les us et coutumes de la République dans notre commune. Qu'on se le dise...
LB