
Depuis que la fermeture du CEC est officielle, les élus de la Pointe se pressent autour de son cercueil, semblables à la poule qui vient de se cogner contre un couteau. La différence, c’est que le volatile est stupide et que l’élu, derrière son indignation de façade, est perplexe : nous disons perplexe pour être poli et parce que ça sonne mieux que foireux ou qu’hypocrite. La liste des réactions officielles est longue, mais à tout seigneur tout honneur! Nous ne ferons pas à Claude Wallendorff, l’apolitique de Droite le plus brillant du département, l’injure de croire qu’il a appris la fermeture du fort de Charlemont au dernier moment par la presse. En effet, s’il ne s’était pas renseigné avant, ses adversaires pourraient le taxer de désinvolture, voire d’amateurisme, deux qualités dont le maire de Givet est notoirement dépourvu, d’autant qu’il a affiché publiquement son professionnalisme et ses contacts lors de la dernière campagne : voilà justement une belle occasion de faire profiter ses administrés en détresse de ses fameuses relations ! Du reste, depuis le 8 avril et la présentation du Livre Blanc, la fermeture du CEC était fortement probable, à tel point que tous les Givetois en étaient au courant, notamment les lecteurs du forum de la mairie.
Nous ne suivrons pas davantage Bernard Dekens, le nouveau président de la Communauté de Communes Ardennes Rives de Meuse, lorsqu’il prétend croire en une réhabilitation touristique de Charlemont. Dans un monde idéal, les Givetois souhaiteraient bien sûr connaître le succès de la citadelle de Namur, ou tant qu’à croire à un miracle devenir un centre de pèlerinage après apparition de la Vierge comme à Beauraing, mais tout cela est bien cher ou bien providentiel. D’abord, il n’est pas évident que l’armée vende, surtout à l’euro symbolique souhaité, et ensuite, sans vouloir rentrer dans des comptes d’apothicaire, à Namur les derniers travaux d’embellissement coûteront 15 millions d’euros, qu’il faudra aller demander à l’Union Européenne. Quant à la citadelle beaucoup plus modeste de Dinant, les derniers travaux de sécurisation y représentent 3 millions d’euros et obligent déjà la commune à dépenser 150 000 euros par an en charges d’emprunt. Et Namur c’est 8 ha avec le gros du travail déjà fait tandis que Charlemont c’est 90 ha et tout reste à y faire. Finalement, à défaut de Bruxelles qui est déjà sollicité par la concurrence, l’intervention de la Vierge ne sera peut-être pas du luxe.
Quant à Luc Declef, il ne semble pas qu’il ait parlé le moins du monde de l’avenir du CEC sur les tracts de sa brillante offensive de printemps, que le MRC-08 a pieusement conservés dans ses archives. Pas plus d’ailleurs qu’il n’affichait de sentiments anti-sarkozystes en bon notable qu’il est et qu’il a toujours été. Après cela, on sait la truculence et la verve de notre prospère pharmacien et l’on comprend le plaisir qu’il prend à se poser en censeur et à pester contre les carriéristes du haut de sa défaite électorale. C’est facile, c’est bon et ça permet pour une fois de parler d’autre chose que de la zone commerciale. Nous prenons cependant acte de son désir d’inventivité et d’exigence, et nous lui conseillons, lorsqu’il en sentira le besoin, de poser des questions écrites et précises au Conseil municipal de Givet pour voir ce que le maire en fonction en dira. C’est comme cela qu’on apprend les affaires et qu’on se positionne pour les échéances suivantes.
Enfin, à tout seigneur tout honneur, le chef d’orchestre de ce bal des hypocrites n’est autre que l’Etat. Car que penser des 4 millions d’euros du fabuleux Contrat de site offert par Paris après l'intervention du très influent Boris Ravignon pour réparer tous les maux de la Pointe, sinon qu’ils permettraient tout au plus de construire un tiers d’un centre aqualudique comme Rivéa ou de rallonger les travaux en cours sur la ligne Charleville-Givet de 7 kilomètres… et peut-être, qui sait, de payer une partie de la mise du fort aux normes civiles. De toute façon, l’essentiel de cette "manne" ne concernera que fort peu Givet puisqu’il est probable qu’elle se noiera dans le gouffre des 278 millions d’euros de la branche ouest de l’A 34, qui ne fera jamais que désertifier davantage la Pointe, vu qu’elle passe à plus de vingt kilomètres. Il est vrai que depuis les salons parisiens, Charleville ou Givet c’est kif-kif, on n’y accède qu’en chasse-neige et avec une escorte armée jusqu’aux dents pour se protéger des Belges ou des Cellatex.
Reste donc aux décideurs de la Pointe à défendre leur territoire et ses habitants, à l’Etat d’enclencher une véritable politique d’aménagement… et aux citoyens à utiliser leur bulletin de votes pour élire des candidats qui les épaulent réellement.