Jean-Pierre Chevènement, invité de LCI

Chevènement : "on a détruit l'école de l'intérieur"


mardi 19 mai 2015

Chevènement : "Hollande méconnaît la spécificité de l'école"

Le Figaro : Vous êtes opposé à la réforme du collège. Pour quelles raisons ? 
Jean-Pierre Chevènement : L’école souffre depuis longtemps d’une incessante « réformite ». Pourtant, l’école a besoin de stabilité. Et les élèves issus de milieux modestes ont avant tout besoin d’une école structurée. Sa mission fondamentale est la transmission des savoirs et des valeurs républicaines. Cela ne va pas sans effort. Or, la « réforme » va toujours dans le même sens : le laxisme, au prétexte de l’ouverture et du « suivi personnalisé ». Cette réforme du collège diminue les horaires des disciplines pour promouvoir des enseignements pratiques interdisciplinaires. Or, il n’y a de véritable interdisciplinarité que sur la base de savoirs disciplinaires maîtrisés. 

Selon François Hollande, « il n’y a pas de raison qu’il y ait du statu quo à l’école, alors qu’il n’y a pas de statu quo dans les entreprises ». Que pensez-vous de cet argument ? 
François Hollande méconnaît la spécificité de l’école : c’est, en France, une institution de la République et non la juxtaposition d’établissements qui définissent eux-mêmes leur projet. Cette thèse, c’était celle de Luc Chatel. Le philosophe Alain voulait faire de l’école républicaine « un sanctuaire ». Nous en sommes loin !

Cette réforme est défendue comme le remède contre les inégalités et la reproduction sociale. N’est-ce pas utopique ? 
L’égalitarisme niveleur est l’ennemi de la démocratie véritable. Revenons à la République des Lumières ! L’« élitisme républicain »consiste à donner à chacun la possibilité d’aller au bout de ses possibilités. 

Najat Vallaud-Belkacem défend-elle bien sa réforme ? 
La ministre donne l’image d’une jeune femme qui a réussi. Je souhaite qu’elle mette son caractère au service d’une conception républicaine de l’école. Je souhaite également qu’elle écoute les conseils donnés de bonne foi et ne se mette pas dans la main de la superstructure du ministère de l’Éducation nationale… 

Parallèlement, les programmes scolaires sont revus. La proposition sur les programmes d’histoire déchaîne les passions. Quelle est votre position ? 
Il n’y a pas de démocratie qui tienne sans un puissant sentiment d’appartenance partagée. Il peut et il doit y avoir un récit national objectif qui rende compte de l’Histoire de notre peuple et lui donne envie de la continuer, en préservant dans les nouvelles générations une raisonnable estime de soi. Comment voudrait-on donner aux jeunes issus de l’immigration l’envie de s’intégrer à un pays qui ne cesserait de se débiner ? 

Dans une récente interview au Monde, Michel Lussault, le président du Conseil des programmes, estime que « l’idée de vouloir faire de l’histoire un roman national est dérangeante ». Qu’en pensez-vous ? 
Michel Lussault semble avoir oublié cette phrase de Michelet : « La France est une personne… » Ni Jaurès, ni De Gaulle, ni Mendès-France n’auraient renié cette pensée. Il confond volontairement « roman national » et « récit national ». Le roman, c’est de la fiction. On ne peut qu’être contre. Mais le récit national, lui, peut être objectif. C’est pourquoi le gouvernement qui, en République, est responsable des programmes, peut demander que le « récit national » ne valorise pas systématiquement des ombres de notre Histoire, mais nous parle de ses lumières et nous rappelle que la Révolution française a fait des juifs des citoyens français comme les autres, et qu’elle a aboli une première fois l’esclavage en 1794. Dans « récit national », ce qui semble gêner Michel Lussault, c’est l’adjectif « national ».  

On sait que le collège va mal. Quelle est l’urgence ? 
Il faut porter les efforts sur l’amont, les apprentissages fondamentaux. Bref, faire ce que François Hollande avait dit qu’il ferait pendant sa campagne.

Entretien de Jean-Pierre Chevènement accordé au quotidien Le Figaro, mardi 19 mai 2015

jeudi 7 mai 2015

Action en justice du MRC contre "les Républicains"

Le Mouvement républicain et citoyen (MRC) a annoncé jeudi s'associer à la démarche "Nous sommes les Républicains", initiée par un groupe d'avocats qui veut saisir la justice contre le choix de l'UMP de changer son nom en "Les Républicains". "En faisant adopter par le Bureau politique de l'UMP le nouveau nom Les Républicains, Nicolas Sarkozy a prouvé que l'idée même de ce qu'est la République lui échappait. Comment ce qui constitue notre bien commun pourrait faire l'objet d'une appropriation par un parti politique ?", dénonce dans un communiqué le MRC de Jean-Pierre Chevènement. "Il existe une différence majeure entre l'attachement et la préemption, entre l'adhésion et la privatisation. Si nous sommes tous attachés à la République, aucun d'entre nous n'en est propriétaire", ajoute-t-il. 

Le MRC estime que "par cette entreprise grossière de marketing politique, reléguant les principes et valeurs au rang de marques, Nicolas Sarkozy affaiblit ce que la communauté des citoyens a de plus précieux et ce qui fait l'identité de la France contemporaine". "A l'irresponsabilité, il ajoute le ridicule par un mimétisme de la vie politique américaine, cadre de référence de celui qui, en tant que président, a brillé par son atlantisme", souligne-t-il. Le MRC "s'oppose fermement à cette démarche dangereuse" et a décidé de "s'associer à l'action en justice du collectif Nous sommes les Républicains pour obtenir la nullité de la marque Les Républicains". 

Un groupe d'avocats a appelé le gouvernement à "agir contre l'accaparement" du terme Les Républicains par l'UMP, dont le bureau politique a adopté mardi ce nouveau nom, indiquant prévoir sinon des actions en justice. Si le gouvernement n'entreprend aucune mesure d'ici "une quinzaine de jours", Me Christophe Léguevaques et trois confrères, Mathieu Boissavy, Joseph Breham et Vincent Fillola, ont indiqué prévoir d'"introduire un certain nombre d'actions juridiques" contre le dépôt de la marque Les Républicains à l'institut national de la propriété industrielle en novembre dernier. Une pétition a été lancée sur le site http://noussommeslesrepublicains.org qui indiquait jeudi avoir recueilli 9.496 signatures.

(dépêche AFP, 07 mai 2015)

mercredi 6 mai 2015

La loi renseignement : un outil, non une panacée !

Avec la loi renseignement, votée ce jour en première lecture, la France se dote d’un outil utile. Celui-ci a le mérite de rechercher l’efficacité en comblant les « trous de la raquette » : possibilité d’écoutes mieux ciblées et plus performantes, meilleure définition de l’intervention des services, renforcement de la surveillance des sites internet grâce à un algorithme, légitimation de techniques nouvelles ou jusqu’ici sans existence légale (Imsi Catcher). En même temps c’est bien d’un outil dont il s’agit et non d’un régime juridique d’exception de type Patriot Act. 

Ce n’est pas là une nuance, c’est une différence considérable. La création d’une commission indépendante chargée d’autoriser et de contrôler les écoutes est une garantie essentielle pour les droits et libertés, renforcée par les larges possibilités de saisine du Conseil d’Etat. On ne le dira jamais assez : ce qui distingue le droit français est un contrôle en amont des actes de police, parmi lesquels figurent les écoutes administratives et l’action des services de renseignement, par un juge spécifique qui est le juge administratif. Ceux qui critiquent ce système au motif que seul le juge judiciaire serait le garant de nos droits et libertés se trompent totalement d’analyse. Le juge judiciaire joue tout son rôle en aval en cas de privation de liberté ou de voie de fait commise par l’administration. 

En dehors de ces cas qui donnent lieu à un contrôle qui intervient nécessairement a posteriori et donc après l’atteinte portée aux droits, il est essentiel de bénéficier d’un contrôle qui puisse intervenir immédiatement. Ce dernier contrôle est le fait d’un juge lui-même très sensible à la protection des droits fondamentaux comme l’a montré la jurisprudence du Conseil d’Etat depuis plus de 60 ans. Au total, c’est une loi « à la française » qui, comme beaucoup de lois qui interviennent dans un domaine sensible, demandera des moyens réels, notamment ceux de la CNCTR, afin que l’application en soit véritablement contrôlée. La loi ne pèche pas par les principes, il ne faudrait pas qu’elle vienne pécher par l’application. De ce point de vue, les assurances données par le gouvernement sont positives. Elles devront faire l’objet d’un suivi vigilant, notamment de la part du Parlement, lui-même héritier d’une tradition de gardien des libertés publiques. 

(Communiqué de Marie-Françoise Bechtel, 1ere vice-présidente du MRC et députée de l'Aisne, mardi 5 mai 2015)