Jean-Pierre Chevènement, invité de LCI

Chevènement : "on a détruit l'école de l'intérieur"


lundi 2 mars 2009

Ardennes: tout (ou presque) sur la situation sociale


Après avoir atteint un point bas en février 2008 avec 1.896.810 personnes touchées, soit 7,2 % de la population active, le chômage en France est reparti à la hausse, d'abord modérément, puis beaucoup plus brutalement à partir de l'automne au point de frapper en janvier 2.204.500 demandeurs d'emploi de catégorie 1 (vous savez, cette segmentation créée volontairement pour minorer les chiffres globaux ... que l'on pourrait appeler la partie émergée de l'iceberg!), ce qui correspond désormais à 8,3 % de la population active nationale. Bien sûr, les Ardennes ne sont pas restées à l'écart de ce retournement de conjoncture qui, hélas, s'annonce plus structurel que conjoncturel : le nombre de chômeurs y est ainsi passé sur la même période de 11.250 (10,1 % de la population active, soit 2,9 points de plus que la moyenne hexagonale) à 13.107 (11,8 % de la population active, soit maintenant 3,5 points au dessus de la moyenne nationale). La dégradation a donc été plus forte dans notre département, ce qui s'explique certainement par le poids du secteur secondaire (et en particulier par celui de la sous-traitance automobile) qui occupe encore près de 36 % des salariés contre seulement 20% en France. Il en résulte des différences locales importantes : si les bassins d'emploi de Charleville-Mézières et de Sedan sont proches de la moyenne départementale, celui de Rethel-Vouziers reste inférieur aux chiffres hexagonaux alors que celui de Revin, sinistré, a le triste privilège de connaître les chiffres les plus élevés de toute la région Champagne-Ardenne. Mais le plus grave se trouve ailleurs : les moins de 25 ans représentent 26,2 % des privés d'emploi ardennais contre 21 % pour la moyenne nationale, et surtout les chômeurs inscrits depuis plus d'un an, qui reflètent l'inadaptation d'une partie de la population active ardennaise au marché actuel du travail, s'élèvent à 30,5 % de la moyenne départementale contre 23 % en France!

Ce tableau bien sombre n'a rien de réjouissant, d'autant que dans ses grandes lignes, il reste sensiblement équivalent à celui des années précédentes. Inévitablement, il a des répercussions fiscales : sur les 158.189 déclarations établies en 2008 pour l'impôt sur le revenu, seulement 47,5 % ont donné lieu à l'établissement d'un avis d'imposition (la moyenne nationale s'établit à 53,7 %) avec un prélèvement de 1478 euro contre 2425 euro pour l'ensemble de la France; la part des bénéficiaires de la prime pour l'emploi par rapport au nombre d'avis d'imposition s'élève à 27,4 % alors que la moyenne hexagonale s'établit à 25,1 %. Ses conséquences sociales sont tout aussi importantes comme le montrent les 8202 personnes qui perçoivent le RMI ou encore les 108 dossiers de surendettement déposés en janvier, ce qui représente une envolée de 83 % par rapport au point bas atteint en août 2008. Quant à ses effets dans la vie quotidienne, ils sont nombreux, à commencer par le report des dépenses jugées non indispensables comme l'achat des voitures neuves qui a chuté de 22 % sur un an glissant, malgré la mise en place de la prime à la casse, et celui des véhicules d'occasion qui a baissé sur la même période de 12,5%.

Toutefois, une analyse plus complète de la situation amène aussi à constater que le nombre de personnes assujetties à l'impôt sur la fortune (vous n'aurez pas manqué de remarquer que nous n'avons pas utilisé l'expression très en vogue de "victime de l'ISF", ce qui prouvera aux plus récalcitrants que le MRC 08 est bien situé à Gauche!) a franchi pour la première fois la barre des 1000, avec très exactement 1012 privilégiés de la fortune, ce qui représente une hausse de 3,37 % par rapport à 2007 et une envolée de 46 % par rapport à 2004! De la même façon, en s'établissant à 18.041 euro, le revenu moyen par foyer fiscal a quasiment rattrapé les 18.055 euro de la Champagne-Ardenne, qui est loin d'être la région la plus mal lotie de France, ce qui explique certainement pour partie la droitisation que connaissent les Ardennes depuis quelques années. L'échelle des revenus est donc en train de s'élargir dans le département, ce qui générera très probablement des frustrations, et par voie de conséquences des crispations sociales voire des tensions, à l'image du blocage il y a quelques semaines par des jeunes de la Ronde Couture du chantier de démolition de la tour des bouvreuils pour que la clause sociale prévue dans les programmes de l'Agence nationale de la rénovation urbaine soit totalement respectée. Plus que jamais, les Ardennes s'apparentent donc à une terre de paradoxes qui mériterait une attention particulière de la part des pouvoirs publics pour éviter qu'elles ne fassent, dans un avenir proche, la une de l'actualité sociale après avoir fait celle de l'actualité économique.

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