Jean-Pierre Chevènement, invité de LCI

Chevènement : "on a détruit l'école de l'intérieur"


mardi 10 mars 2009

Un nouveau coup dur pour la ligne Givet-Dinant


Grâce à la résistance héroïque en 1815, après Waterloo et jusqu'au traité de Paris, du Général Comte Bourck contre les Prussiens qui tentaient de s'emparer des fortifications de Charlemont, Givet est restée française ainsi que son arrière pays, ce qui a donné naissance à ce décrochement si particulier de la frontière nord de la France, que l'on appelle chez nous la Pointe des Ardennes et en Belgique la Botte. Évidemment, cette configuration territoriale n'a pas été sans conséquences : bien avant la libre circulation des hommes permise par la création de l'espace Schengen en 1993, les populations ont fait fi des frontières et ont créé des familles franco-belges dont l'existence transparaît au travers de nombreux patronymes locaux. Parallèlement, les capitaux belges ont afflué à Givet et ont donné naissance à un grand nombre d'usines, afin de contourner les taxes douanières prohibitives existant à l'époque et de profiter ainsi du marché de la France métropolitaine et de celui de la France coloniale. Quant aux infrastructures de communication, elles ont bien sûr relié Givet au reste du pays, aussi bien par la voie routière que ferroviaire et fluviale, mais également à la Belgique, notamment par le port qui à l'époque de sa splendeur a été le 2ème port fluvial en France et par la voie ferrée.

Hélas, après la grandeur qui avait valu à Givet de recevoir la visite du Président De Gaulle en 1963, est venue la décadence. Lente, insidieuse, mais profonde, elle s'est traduite par la réduction continue du tissu industriel. Elle a aussi abouti à une diminution des liaisons ferroviaires avec la Belgique : après la disparition des trains semi-directs entre Givet et Bruxelles, la ligne Givet-Dinant a été mise à voie unique en 1965 avec 9 allers-retour en semaine et 6 le week-end; en 1984 le trafic voyageur, désormais assuré par la seule SNCF, a été réduit à 4 allers-retour quotidiens avec des correspondances à Dinant atteignant parfois 40 minutes ... avant d'être supprimé en 1988, tout comme le trafic fret en 1989 et le trafic touristique par trains à vapeur en 2000. Depuis les années 1990, Givet est ainsi devenue ce qu'il faut bien appeler un cul-de-sac, d'autant que son port a également été fermé à la même époque.

Cet arrêt des liaisons non routières avec la Belgique n'a bien sûr pas été apprécié par les décideurs locaux , et notamment par Claude Wallendorff, le sémillant apolitique de Droite maire de Givet depuis 2001 et conseiller général du canton depuis 2008, qui a fait de la réouverture de la ligne ferroviaire Givet-Dinant ce qu'il appelle parfois son "dada". Pour l'obtenir, parmi les nombreuses initiatives qu'il a prises et qui montrent qu'il a de la suite dans les idées (certains diront de l'entêtement), on peut citer les études réalisées dans le cadre du programme Interreg 3 entre 2003 et 2005 sur la faisabilité et le coût de cette réouverture, l'inscription de ce projet dans le dernier Contrat de Projets Etat Région de la région Champagne-Ardenne ou encore les demandes répétées auprès du Président de la République qui ont conduit ce dernier à accepter que la France prenne à sa charge la moitié du coût de la réouverture de cette ligne, estimé à 28 millions d'euro, alors que seuls 3 de ses 22 kilomètres se trouvent dans notre pays. Malheureusement, ces démarches se heurtent depuis le début à l'opposition des autorités belges qui ont fait le choix dès 1991 de désenclaver Dinant en investissant 150 millions d'euro dans l'électrification de la ligne de fret Athus-Meuse qui permettra, d'une part de relier le port d'Anvers à la Suisse et à l'Italie, et d'autre part de délester la ligne Bruxelles-Luxembourg.

La situation semble donc bloquée! Pourtant, la Communauté de communes Ardenne Rives de Meuse, appuyée par le Conseil général des Ardennes, le Conseil régional de Champagne-Ardenne et l'Etat, n'a pas désarmé pour autant. Ainsi, elle a proposé il y a quelques semaines d'organiser à ses frais un colloque au Parlement wallon sur le dossier. Cette initiative, en soi louable, n'a pas eu l'effet escompté puisqu'après avoir reporté le colloque du printemps à l'automne, les parlementaires wallons ont adopté le 04 mars une motion réaffirmant leur opposition à la réouverture de la ligne Givet-Dinant, au motif principal que le potentiel de voyageurs essentiellement local sera insuffisant pour éviter un déficit d'exploitation, mais aussi parce qu'ils y voient une concurrence potentielle pour la ligne Athus-Meuse et qu'ils considèrent que la desserte actuelle par bus donne toute satisfaction pour un coût moindre. Ils sont même allés plus loin en demandant qu'une option définitive soit prise pour transformer en piste cyclable le tronçon entre Hastière et Dinant. Ce nouvel épisode amène le MRC 08 à penser , à l'image du titre du journal belge "le soir" en date du 05 mars, que "la Dinant-Givet est refermée" et qu'il serait plus constructif de passer à l'étude d'autres projets d'avenir pour la Pointe ... au lieu de miser sur un très hypothétique changement de majorité au Parlement wallon après les élections qui auront lieu dans 3 mois pour rouvrir le dossier. L'erreur est humaine, dit le proverbe, mais il ajoute aussi que la persévérance est diabolique ...

Aucun commentaire: