Jean-Pierre Chevènement, invité de LCI

Chevènement : "on a détruit l'école de l'intérieur"


dimanche 14 novembre 2010

"Sarkozy est très loin du Général de Gaulle"


Le JDD.fr : Qu’est-ce que le gaullisme: une attitude, des principes, une doctrine?
Jean-Pierre Chevènement : De Gaulle existe. Le gaullisme existe-il ? Cela prête à d’abondantes dissertations. S’il existait, le gaullisme serait pour moi une forme de patriotisme républicain qui s’est manifesté évidemment en 1940 par le refus de la défaite, de l’armistice et de la collaboration avec l’Occupant. Mais, plus généralement, le gaullisme, c’est un sens très élevé de l’intérêt général et de la République.

Qu’en reste-t-il aujourd’hui?
Pas grand-chose car la droite a tourné le dos à la nation et la gauche a perdu les couches populaires. Nous avons eu des gouvernements successifs qui ont sacrifié la souveraineté nationale sur l’autel d’une certaine Europe et ont livré la France à une mondialisation sans règle. Nous avons aujourd’hui un pays qui n’a plus ni monnaie ni défense, ni droit autonome. Beaucoup de nos industries ont été délocalisées ou sont en voie de délocalisation. Notre langue et notre influence reculent. Il ne reste du gaullisme que la constitution de 1958 mais avec un Président très diminué et une constitution qui a été profondément altérée.

Quelle place tient de Gaulle dans votre panthéon personnel?
Le Général de Gaulle a été le grand homme d’Etat de la France au XXè siècle. Mitterrand a aussi été un homme d’Etat à la vue longue mais il a fait embrasser à la France la cause d’une Europe mal définie. Je pense notamment à la monnaie unique.

Le Général De Gaulle se voulait au dessus des partis, diriez-vous la même chose de Nicolas Sarkozy?
De Gaulle ne prétendait pas incarner la droite ou la gauche, il voulait rassembler la France. Il y a réussi, en tout cas dans la Résistance. Grâce à l’appui de Jean Moulin, il a acquis la légitimité du soutien de la résistance intérieure puis il a unifié la Résistance dans le gouvernement provisoire de la République française. Nicolas Sarkozy, lui, arrive même à diviser son camp. Il est très fort ! Il n’est plus l’homme de la Nation. Il est l’élu d’un parti majoritaire. Je ne conteste pas sa légitimité mais j’observe que la définition du Président comme étant l’émanation de la Nation tout entière n’existe plus guère.

Il ne s’inscrit donc pas, selon vous, dans l’héritage du Général de Gaulle?
Il ne me paraît pas être l’héritier du général de Gaulle. Il a réintégré le commandement de l’Otan, un geste hautement symbolique. Il a voté le traité de Maastricht, fait voter le traité de Lisbonne qui est la reprise de la Constitution européenne que le peuple a rejetée. Je pense que le Général de Gaulle respectait les décisions du peuple. Sarkozy est très loin du Général de Gaulle. J’ajoute que le général De Gaulle, comme disaient ses fidèles, habitait sa statue. Monsieur Sarkozy n’habite pas sa statue. Pour une raison très simple: il n’en a pas et a beaucoup de peine à habiter sa fonction. Je le regrette parce qu’il n’a pas que des défauts.

Beaucoup se réfèrent à l’héritage du Général. Quelqu’un incarne-t-il le Gaullisme à vos yeux?
Il ne suffit pas de s’en réclamer. En tout cas, la France est aujourd’hui dans une situation très difficile. Donc, il est possible qu’il y ait quelqu’un qui puisse évoquer le Général de Gaulle mais il faudra qu’il surgisse au bon moment et qu’il fasse des propositions qui tiennent la route. Pour le moment, je scrute l’horizon. Je regarde s’il y a un nuage de poussière qui me permettrait de répondre de manière optimiste…

(Source : LeJDD.fr / propos recueillis par Arthur Nazaret, mardi 9 novembre 2010)

2 commentaires:

evils a dit…

Il manque quelques éléments concernant de Gaulle que M. Chevènement oublie, je pense très volontairement.
En effet, la période de 1958 et les méthodes employées pour arriver au pouvoir.
Cette période est passée sous silence, mais le Général a fait preuve de manipulation, de mensonges et de pression pour prendre le pouvoir. On appel cela un coup d'état, bien que le sang n'est pas coulé (il n'en était pas loin). Et là, à lire les articles de ce blog et les commentaire de M. Chevènement, je suis surpris que vous ne trouviez pas que Nicolas Sarkozy est le digne héritier de Gaulle.

Vigilant pour l'avenir de la Pointe a dit…

"le coup d'état permanent", c'est du Mitterrand dans le texte ! Il faut bien reconnaître que l'arrivée de De Gaulle au pouvoir s'est faite après de très fortes pressions, mais dans le contexte de l'époque, avec une 4ème république en pleine déliquescence, le changement de régime était un impératif. Après, on peut toujours disserter sur la forme exacte prise par cette arrivée au pouvoir : légale à 100 % comme l'a été celle de Pétain le 10 juillet 1940 ... ou un petit peu moins mais infiniment plus en accord avec les intérets de la France ?