En cette période de la Toussaint pendant laquelle les cimetières connaissent une fréquentation inhabituelle de personnes obéissant aux croyances religieuses ou aux contraintes sociales, nous nous proposons de venir en aide aux Ardennais qui, en ces temps de crise, ne savent plus à quels saints se vouer. Parmi les canonisés, n’en déplaise aux partisans de l’ethnocentrisme qui ne jurent que par l’arbre généalogique, les deux plus anciens sont nés sous des cieux bien lointains : saint Walfroi, originaire du nord de l’Italie, qui éleva une colonne non loin d’un temple païen et y vécut des années durant, sans rien pour se protéger des rigueurs de l'hiver au point que les gelées lui faisaient tomber les ongles, jusqu’à ce que l’évêque du lieu lui révèle que le climat des Ardennes ne permettait pas ce genre de fantaisies méditerranéennes ; saint Remacle, qui venait de Franche-Comté et auquel saint Eloi, le ministre du bon roi Dagobert, confia la mission de transformer en bons chrétiens les habitants de la région, qui venaient d’occire successivement deux évêques.
Si ces deux évangélisateurs sont aujourd’hui passés de mode faute de fidèles, d’autres saints nettement plus connus pourraient bien subir le même sort du fait de leur incapacité à résoudre les fléaux économiques qui pleuvent sur le département : après sainte Barbe, patronne des ardoisiers qui a vu son culte dépérir faute de brebis à partir de 1971, et saint Mathieu, le soutien des douaniers qui a eu les plus grandes peines du monde à survivre au traité de Maastricht, saint Michel, le patron des parachutistes, jettera sa lance aux pieds du dragon libéral en juillet 2009 avec la fermeture du CEC à Givet. Saint Yves, le patron des avocats qui n’a pas réussi à conserver le pôle de l’instruction à Charleville-Mézières, saint Gabriel, le patron des postiers, impuissant à empêcher la transformation des bureaux de poste en agences postales communales voire en relais-poste et saint Jean-Baptiste de la Salle, le protecteur des enseignants, qui voit fermer sans rémission possible, année après année, les classes dans le primaire comme dans le secondaire... seront sans doute les prochains martyrs de la très diabolique réforme générale des politiques publiques. A peine moins grave est la menace qui pèse sur saint Eloi, vénéré par les métallurgistes, qui aura bien besoin du feu divin pour conjurer la déferlante des délocalisations générées par la mondialisation qui n’a pour seul Dieu que l’argent.
Aux Ardennais désespérant de l’action de nos dirigeants politiques, il reste cependant quelques saints au culte annoncé comme prometteur : sainte Lucie de Syracuse, bonne fée des électriciens dont certains esprits illuminés pensent qu’elle sera capable d’obtenir l’implantation d’un réacteur EPR à Chooz ; saint Christophe, patron des touristes, supposé capable de détourner les flux de vacanciers du sud et de rendre plus clément le climat des Ardennes ; saint Joseph et saint Jean Bosco, respectivement protecteurs des artisans et des apprentis, dont on affirme qu’ils transformeront les petits ruisseaux de l’emploi en grosses rivières capables d’absorber la crue actuelle du chômage. Enfin, à ceux qui sont uniquement sensibles aux lumières de la Raison et que nous espérons nombreux, le MRC-08 conseille d’essayer le pèlerinage à Saulces-Monclin, où ils pourront admirer Woinic, une bien belle idole qui prouve que le génie ardennais est encore bien vivant…
2 commentaires:
A mon avis, pour les Ardennes, c'est plutôt du coté de Sainte Rita qu'il faut se tourner, vous savez la patronne des causes désespérées
Au lieu de se tourner vers les saints, il faudrait peut être que nos dirigeants commencent à agir; la prière ne mènera certainement pas à grand chose (de mon point de vue bien sûr...) alors que l'action oui!
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