Depuis que les systèmes de sécurité sociale existent, les soins sont régis par le principe de territorialité : seules les prestations dispensées à l'intérieur de l'espace national bénéficient d'un remboursement. Toutefois, dans l'objectif d'assurer la libre circulation des travailleurs, la législation communautaire a prévu de coordonner les systèmes nationaux de protection sociale afin de permettre aux habitants d'un pays de conserver leurs droits de sécurité sociale lorsqu'ils franchissent la frontière. Avec 2.899 kilomètres de frontière terrestre, la France est concernée au premier chef par cette volonté, et tout particulièrement la zone frontalière franco-belge où certains bassins de peuplement présentent une proximité telle que les populations, les établissements de soins et les professionnels de la santé ont exprimé de longue date leur souhait de mettre en oeuvre des dispositifs permettant de recourir aux infrastructures médicales situées de l'autre côté de la frontière. Cette volonté a abouti dès 2000 au projet expérimental Transcards entre les 7 hôpitaux de la Thiérache et du pays de Chimay couvrant pas moins de 140.000 personnes : basée sur l'installation de lecteurs de cartes de sécurité sociale du pays frontalier (SIS pour la Belgique et Vitale pour la France) dans les établissements français et belges, cette expérimentation a permis une simplification réelle des procédures pour les patients puisque, tout en bénéficiant du Tiers payant, ils n'ont plus eu besoin de recourir aux autorisations préalables, ni aux procédures de demande d'ouverture de droits via les formulaires E111, E106 et E112. Cependant, elle a aussi montré que des efforts de communication globale et professionnelle restaient indispensables, que des différences de réglementation posaient problème (prise en charge des bénéficiaires de la CMU) et qu'une extension aux régimes complémentaires s'imposait.
Il fallait donc aller plus loin, ce qui a été fait par la Commission européenne le 23 février 2003 avec la proposition de lancer dès le 1er juin 2004 une carte européenne de santé permettant, à court terme, d'accélérer les remboursements des assurés, et à long terme, de couvrir tous les soins de santé pratiqués dans un autre Etat membre et non plus seulement les soins d'urgence. Cependant, la souveraineté des Etats n'ayant pas encore disparu, ce voeu est resté pieux jusqu'à la signature, le 30 septembre 2005, d'un accord-cadre franco-belge qui a posé un cadre légal à la coopération sanitaire entre les 2 pays afin, d'une part d'améliorer l'accès aux soins et de garantir leur continuité pour les populations frontalières, et d'autre part de clarifier les procédures à suivre pour les acteurs de la santé désireux d'établir des projets transfrontaliers. Un grand pas donc, mais pas la panacée pour autant puisque la demande d'une autorisation préalable pour aller se faire soigner dans un établissement étranger restait indispensable et qu'une tarification spécifique des actes et des soins était possible. Ces quelques défauts n'ont pas empêché une deuxième avancée de grande ampleur avec la signature, le 20 mars 2007, d'une convention franco-belge en matière d'aide médicale urgente qui a permis aux centres 15 français et 100 belges frontaliers d'envoyer un véhicule SMUR de l'autre côté de la frontière si cela permettait d'améliorer la rapidité des interventions, avec une prise en charge financière par l'hôpital qui aurait dû intervenir en 1ére intention. Cette déclaration d'intention, qui constitue un plus incontestable pour les populations, est entrée en vigueur d'abord en Lorraine, après la signature des annexes d'application le 19 mars 2008, puis dans 83 communes de Champagne-Ardenne le 29 mai 2008.
Entre temps, grâce aux fonds européens du programme Interreg et au volontarisme de quelques hommes politiques, les ZOAST sont apparues. Un acronyme de plus dans la jungle des sigles inconnus, diront certains, mais ils auraient tort car derrière ces initiales se cachent les Zones Organisées d'Accès aux Soins Transfrontaliers qui ont pour objectif principal d'améliorer l'accès aux soins des populations transfrontalières en supprimant la demande d'autorisation préalable et en simplifiant les modalités administratives et financières : il suffit dans ce cadre pour un assuré français de présenter sa carte vitale, une pièce d'identité ainsi qu'un justificatif de domicile et pour un assuré belge de présenter sa vignette de mutuelle, une pièce d'identité ainsi également qu'un justificatif de domicile ; les remboursements se font directement par les organismes assurant la protection sociale sur la base des tarifs et des taux appliqués aux ressortissants du lieu où les soins sont réalisés. Aujourd'hui, 4 ZOAST existent: la ZOAST Ardennes créée le 20 janvier 2008 qui comprend le sud de la province de Namur, la commune de Bouillon et une partie des arrondissements de Charleville-Mézières et de Sedan, la ZOAST MRTW créée le 1er avril 2008 entre les hôpitaux de Mouscron, de Roubaix, de Tourcoing et de Wattrelos, la ZOAST Arlwy créée le 30 juin 2008 entre les arrondissements d'Arlon, de Virton et de Briey et enfin la ZOAST URSA créée le 17 octobre 2008 entre les centres hospitaliers d'Armentières, de Bailleul et d'Hazebrouk côté français et la clinique d'Ypres côté belge qui a la particularité de travailler en complémentarité avec la ZOAST MRTW. Pour le MRC 08, cette coopération franco-belge dans le domaine médical est une réussite qu'il convient de saluer, surtout pour la Pointe des Ardennes qui est ainsi sortie de sa situation géographique de cul de sac en valorisant intelligemment sa position de frontière puisque le centre hospitalier de Dinant, les polycliniques de Gédinne et Ciney, les cliniques universitaires de Mont Godinne et les polycliniques des mutualités socialistes de Beauraing, Couvin et Philippeville peuvent désormais travailler en complémentarité avec les centre hospitaliers de Charleville-Mézières et de Sedan, les hôpitaux locaux de Fumay et de Nouzonville, la polyclinique du Parc de Charleville et la clinique de Villers-Semeuse. Mais une question nous trotte dans l'esprit : pourquoi ne pas avoir choisi le terme de territoire plutôt que de zone, ce qui aurait donné naissance au sigle beaucoup plus facile à retenir de TOAST ?
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