Jean-Pierre Chevènement, invité de LCI

Chevènement : "on a détruit l'école de l'intérieur"


vendredi 26 juin 2009

Ardenne Rives de Meuse : les résultats désolants de la lubie touristique


Entre les Ardennes et le tourisme, les relations ressemblent de plus en plus à "je t’aime, moi non plus". D’un côté, depuis le fameux discours prononcé en 1963 par le général De Gaulle, alors Président de la République, sur le perron de l’hôtel de ville de Givet, dans lequel il envisageait, parmi les voies futures pour développer le département, la transformation de la vallée industrielle de la Meuse en "vallée verte", les dirigeants politiques départementaux ont multiplié les initiatives pour tenter de faire décoller cette activité aux supposées vertus salvatrices : en plus de la construction de bases de loisirs départementales, de campings et d’un golf de 18 trous ainsi que de l’acquisition d’un bateau promenade destiné à naviguer sur la Meuse, ils ont multiplié les généreux soutiens financiers aux particuliers porteurs de projets plus ou moins convenablement pensés. De l’autre, des touristes ont bien pointé le bout de leur nez, avec 635.509 nuitées en 2007 (ce sont les données les plus récentes publiées par l’INSEE), 490.175 visiteurs d’animations en tout genre et 181.601 visiteurs dans les lieux d’accueil, pour une dépense totale de 30.639.481 euros, consacrée à 89 % à l’hébergement. Ces chiffres sont en apparence impressionnants, mais, à bien y regarder, ils cachent une réalité peu reluisante : après 44 années d’efforts, le tourisme n’emploie encore que 1.021 salariés, dont 38 % de saisonniers, et son chiffre d’affaire reste inférieur aux 56 millions d’euros de taxe professionnelle (à ne pas confondre avec le chiffre d’affaire qui est bien plus élevé) versée par la seule centrale nucléaire de Chooz.

Pas de quoi pavoiser donc, comme le font trop souvent les dirigeants de la Communauté de communes Ardenne Rives de Meuse qui a été une des collectivités à s’être le plus lancé dans cette activité. Certes, 13.000 touristes ont bien franchi l’an dernier les portes du tout nouvel Office de Tourisme Communautaire construit à Vireux-Wallerand pour la bagatelle de 650.000 euros, ce qui correspond, si on retient une dépense moyenne par touriste de 81 euros (c’est le chiffre calculé par le Comité départemental du tourisme) à une recette globale pour le territoire de 1.053.000 euros. Vu sous cet angle, l’apport économique est indéniable, mais l’honnêteté la plus élémentaire commande de retirer à cette somme les subventions versées par l’intercommunalité à l’OTC, qui se sont élevées en 2008 à 671.655,76 euros (soit 491.720,39 euros au titre du budget principal, 76.414,75 euros pour celui de la commercialisation et 207.479,48 pour le parc Terr’Altitude, auxquels il faut retrancher le versement d’un loyer de 103.958,86 euros). Le tourisme ne rapporterait donc plus que 381.345 euros ! La phrase est au conditionnel, puisque il faut encore retrancher à cette somme le déficit généré par la merveille des merveilles, le centre aqualudique Rivéa, dont la perte initialement prévue à 500.000 euros dépasse en fait largement les 800.000 euros. Au total, le tourisme ne créé donc pas de valeur pour le territoire, il en détruit, surtout si l’on rajoute toutes les dépenses réalisées par les communes, notamment en terme de fleurissement !

Bien sûr, les thuriféraires du renouveau de la Pointe par cette activité qui fait rêver objecteront que ces calculs ne prennent pas en compte les emplois créés. A priori, ils auraient raison, sauf qu’avec les mêmes sommes, il aurait été possible de développer d’autres activités, et donc d’autres emplois, plus en phase avec les attentes de la population locale. Lesquelles ? La création de structures multi-accueil pour les enfants de 0 à 4 ans, par exemple, qui, après avoir fait l’objet d’une enquête en 2007 ayant conclu à la nécessité d’ouvrir 3 sites, avait abouti en septembre 2008 à la prise de compétence relative à l’accueil de la petite enfance par l’intercommunalité …avant d’être renvoyée aux calendes grecques au prétexte facile de la perte récente de nombreux emplois locaux du fait de la crise économique et de la fermeture du CEC. Quant à l’argument toujours tentant du déficit temporaire des équipements touristiques structurants mis en place récemment, il n’aurait aucune valeur puisque les subventions versées par la Communauté de communes à l’OTC, loin de diminuer, ont augmenté de 11,5 % entre 2007 et 2008. Il faut donc dire les choses telles qu’elles sont : la priorité accordée au tourisme pour sortir la Pointe du marasme économique qu’elle connaît est une erreur qu’il faut arrêter au plus vite. Apparemment, en reportant le projet d’aménagement du fort Condé en parcours interactif consacré aux légendes ardennaises, nos dirigeants communautaires semblent l’avoir compris, ce dont le MRC 08 se réjouit vivement. Il reste maintenant à confirmer ce retour au bon sens en donnant la priorité à des investissements plus adaptés aux besoins de la population locale et susceptibles de créer une activité économique rentable, comme le développement du port qui est une vraie chance aussi bien pour la Pointe que pour les Ardennes.

7 commentaires:

Ophélie a dit…

Le sujet qui fait des étincelles! Au niveau du Conseil Général, c'est à peu près la même chose qu'à la comcom... Il suffit de lire 'Les Ardennes en marche' pour s'en apercevoir; certaines phrases font rire ou énervent, ça dépend le tempérament des gens!
Les deux phrases que j'ai retenu: 'Le tourisme est devenu un secteur économique clé du département' et 'La "Trans-Ardennes" remporte un succès permanent. Il suffit pour s'en convaincre de voir le nombre de marcheurs ou de cyclistes qui, chaque week-end, se bousculent sur ce ruban de 82 kms'! Pour 2010, le Conseil Général a prévu d'investir 14 millions d'euro dans le tourisme... Voilà ce que j'ai tendance à appeler 'balancer l'argent par les fenêtres'. Le département des Ardennes est déjà bien sinistré, le tourisme ne fait que le ruiner encore plus!

S.Baumel a dit…

La trans Ardenne n'a pas qu'une vocation touristique, elle a aussi une utilité pour ceux qui se déplacent par des moyens alternatifs et veulent le faire en sécurité. La redécouverte des chemins vicinaux est au programme du groupe Ecolo belge, cette voie participe à cette démarche comme celle du RAVEL (et son célèbre beau vélo).
Que préférer ? Une voie cyclable qui relie les villages ou une zone de dépassement coûteuse et inutile ?

Ophélie a dit…

C'est pas mal c'est sûr, mais pour la sécurité de Ham sur Meuse à Chooz on peut mieux faire... Ce détour dégoûte les gens qui ,du coup, préfèrent encore emprunter la route nationale (certes très dangereuse pour les cyclistes) qui mène tout droit à Givet! Mais bon, il serait étonnant de voir les gens aller travailler à Givet en vélo... Le moyen de transport le plus rapide et efficace reste la voiture!

jcvb a dit…

excellente analyse que je partage à 100% ! jcvb

Vigilant pour l'avenir de la Pointe a dit…

Que ce soit le Conseil général ou la Comcom, c'est du pareil au même en ce qui concerne la priorité ruineuse accordée au tourisme.
Par contre, la Trans Ardennes est effectivement une belle réalisation ... à destination de tous, pour des motivations diverses. Un équipement véritablement populaire qui rompt avec ce tourisme de luxe qui a parfois fait tourner la tête à nos dirigeants. Vive la voie verte et haro sur les autres projets démesurés

Ophélie a dit…

Il est vrai que cette 'voie verte' est utile pour les promeneurs du dimanche ou autres sportifs amateurs etc... mais de là à dire que les gens s'y bousculent, il y a un pas à ne pas franchir. Et puis, cela a peut-être changé maintenant, mais au tout début, lorsque le projet de ce 'ruban de 82 kms' a commencé à se concrétiser, les dirigeants parlaient d'une voie à vocation touristique!
Ils sont toujours en train de tout exagérer, c'est tellement poussé que dans le ton même de leurs phrases on sent bien que c'est de trop.
Il vaut mieux un projet comme celui-ci plutôt qu'un projet touristique de luxe mais je crains que nous n'avons pas fini d'en entendre parler de ce tourisme de luxe dont les Ardennes ont aucunement besoin! Nos dirigeants ont des goûts de luxe et ils s'efforcent de faire n'importe quoi avec l'argent de la comcom, ils s'en fichent, le but étant simplement d'impressionner les contribuables; d'obtenir un 'ohh' devant une infrastructure en apparence génialissime mais en réalité déficitaire! Ils misent tout sur l'apparence et le luxe, sans se soucier des conséquences économiques très négatives qui découlent de leur pharaonisme.
Certains, que je dirai naïfs, se laissent bercer et attendrir par les paroles de nos dirigeants mais à mes oreilles elles sonnent faux...

jcvb a dit…

Le tourisme ne cree absolument aucun emploi durable actuellement dans nos Ardennes ....surtout -comme le fait bien l'auteur de l'article, quand on calcule le cout par emploi !!!!il serait plus judicieux dans la création d'usines . Concernant la Transardennes, je trouve que cette idée est bonne : mais elle ne développe pas le tourisme , elle sert aux ardennais eux-mêmes ,et c'est sympa . Là encore ,le cout esy faramineux : pourquoi?face à cette politique dispendieuse et inutile, il serait bon que les conseillers généraux "de Gauche" (!) réagissent ...on ne les entend pas, pourquoi???????jcvb