Issu de la scission en 1982 en deux entités distinctes de l’immense empire de presse constitué par le papivore Robert Hersant afin d’échapper à la toute nouvelle loi anti-concentration dans ce secteur, le groupe Hersant Média, qui ne prit cette dénomination qu’en 2006, s’était considérablement développé en rachetant en 2003 la société Comareg, spécialisée dans l’édition de journaux gratuits de petites annonces, puis en 2007 les titres du groupe Lagardère diffusés dans le sud-est de la France ("La Provence" , "Var Matin", "Nice Matin", "Corse Matin"). Un grand bond en avant, financé à hauteur de 200 millions d’euros par endettement bancaire et de 80 millions par un emprunt obligataire contracté auprès des actionnaires familiaux, qui offrait à GHM la perspective de devenir un groupe structurant de la presse quotidienne régionale en France !
Pensez donc, avec 27 journaux édités en France métropolitaine et en outre-mer, un chiffre d’affaire jamais atteint jusque-là de 926 millions d’euros réalisé par 7.500 salariés et la transformation de la Comareg en formidable machine à cash contribuant pour 35 millions d’euros aux 64 millions de résultat d’exploitation de l’ensemble du groupe, GHM était en 2007 une référence dans son secteur qui en faisait rêver plus d’un. Malheureusement, l’effondrement du marché publicitaire dans la presse écrite à partir de l’été 2008 et l’apparition sur internet de "pure players" spécialisés dans les petites annonces comme Le Bon Coin ou SeLoger, a pris à contre-pied le groupe et a transformé son nouveau joyau en un tonneau des Danaïdes précipitant GHM dans des pertes abyssales de 82 millions d’euros en 2009 et 217 millions en 2010.
Cette situation calamiteuse a mis le groupe dans l’incapacité de rembourser la première échéance de sa dette bancaire et l’a amené, pour combler ses pertes d’exploitation, à vendre "Le Journal de la Réunion" en avril 2009, Médiapost en mai 2010 ainsi que sa participation de 27 % dans "L’Est Républicain" en octobre 2010. Un remède de cheval des plus amers qui s’est révélé hélas insuffisant ! C’est pourquoi GHM a dû procéder à la fin 2011 à la liquidation pure et simple de Comareg, avec à la clé 1.650 licenciements, soit le plus grand plan social de l’année en France. Parallèlement, pour sauver ses journaux métropolitains qui pouvaient encore l’être, le groupe a ouvert en octobre 2011 des négociations avec le groupe belge Rossel afin de créer une société commune détenue paritairement dans laquelle GHM apporterait son pôle Champagne-Ardennes-Picardie ("L’Union-L’Ardennais", "L’Est Eclair", "Libération Champagne" et "L’Aisne Nouvelle") et ses journaux du sud-est tandis que Rossel mettrait dans la corbeille "La Voix du Nord" et "Le Courrier Picard".
Une excellente idée en soi puisque ce rapprochement, qui aboutirait à un tirage journalier de 900.000 exemplaires, permettrait de mutualiser les moyens et ainsi de retrouver l’équilibre financier ! Seulement, le groupe Rossel y a mis une condition impérative : la restructuration préalable avant le 15 juin du pôle CAP avec 275 licenciements, dont 37 journalistes, sur les 641 salariés de la structure. Cette exigence a fait l’effet d’une douche froide et elle a entraîné des discussions à répétition, qui ont permis de reporter la date butoir et de ramener le nombre de licenciés à 220, dont une grosse vingtaine de journalistes. Encore fallait-il que les délégués du personnel, majoritairement issus de la CGT , donnent leur aval à cette petite amélioration acceptée lors d’un referendum par 97,6 % des 47,6 % de salariés ayant accepté de voter.
Pour se faire, les comités d’entreprise extraordinaires des différentes branches du pôle CAP ont été réunis le 25 juin et, à la surprise de beaucoup, ils ont refusé le plan de restructuration proposé par le groupe belge. Celui-ci en a pris acte en faisant logiquement savoir qu’il ne souhaitait plus donner suite au projet de rapprochement envisagé. L’avenir du pôle CAP en général et de "L’Union-L’Ardennais" en particulier est donc plus sombre que jamais ! A priori, il devrait être identique à celui du pôle Normandie de GHM qui a été placé en redressement judiciaire en février dernier et qui risque fort d’être liquidé à l’issue de la période de redressement qui s’achèvera le 20 juillet. Une perspective que le MRC 08 juge terrible pour les Ardennes, qui ont besoin pour un bon fonctionnement démocratique d’une presse locale de qualité, et particulièrement angoissante pour les 641 salariés dont les emplois sont ouvertement menacés et qui ne bénéficieront pas dans le cadre d’une procédure judiciaire du versement de 30 mois de salaire au titre d’indemnités auquel s’était engagé le groupe Rossel.
A moins qu’un repreneur de dernière minute, comme par exemple le premier groupe français de presse régionale EBRA propriétaire entre autres de "l’Est Républicain", "Les Dernières Nouvelles d’Alsace", "Le Dauphiné Libéré" et "Le Progrès", ne se fasse connaître...
2 commentaires:
C'est très inquiétant, il n'y aura plus personne pour relayer nos problèmes, qui sont nombreux...
Effectivement, il ne restera plus que "La Semaine des Ardennes" qui n'est autre que le journal du Conseil général ! En terme d'objectivité de l'information, il faut reconnaître qu'on a fait mieux...
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