Jean-Pierre Chevènement, invité de LCI

Chevènement : "on a détruit l'école de l'intérieur"


vendredi 3 avril 2009

Fleurissement des commmunes : la réalité n'est pas à la hauteur des discours


Que vous soyez des extrémistes haineux ou des centristes consensuels, des partisans de Droite ou des militants de Gauche, de nouveaux venus dans les partis politiques ou des activistes chevronnés, vous avez certainement tous constaté que le gazouillis des oiseaux a fait son retour au petit matin, que le soleil commence à être plus chaud et que les bruits de tondeuses se font de plus en plus nombreux. Ces signes ne trompent pas : c'est le printemps qui est revenu! En attendant de savoir s'il nous apportera une improbable embellie sur les fronts économiques et sociaux, nombreux sont ceux qui en profitent pour commencer leur jardin et pour égayer l'extérieur de leur domicile en repiquant des fleurs de toutes les couleurs. Dans beaucoup de municipalités, les employés communaux ne sont pas en reste et travaillent avec ardeur la moindre parcelle de terre. Ce rituel surprend souvent les visiteurs étrangers, mais il s'explique par la participation au concours des villes et villages fleuris, créé en 1959, d'un nombre croissant de communes (plus de 12.000 actuellement, soit environ 1/3, contre environ 5.000 en 1970 et 600 la 1ère année).

Conçue pour promouvoir le développement des espaces verts dans les endroits habités, cette compétition, nationale et gratuite, est ouverte à toutes les communes. En 49 ans, elle a permis à plus de 2.800 d'entre elles d'obtenir le panneau "ville fleurie" ou "village fleuri" qu'elles ont fièrement installé à chacune de leurs entrées. Bien sûr, la Champagne-Ardenne n'est pas restée à l'écart de ce phénomène, au point d'être devenue, si l'on en croit le palmarès 2008, la 1ère région fleurie de France avec 385 communes labellisées de 1 à 4 fleurs, parmi lesquelles 42 ont été récompensées pour la première fois cette année. D'après Régine Pillière, présidente du Comité Régional du Tourisme, c'est "la preuve que notre région demeure une terre d'excellence florale et paysagère". Son enthousiasme la pousse même à affirmer qu'en "oeuvrant pour la préservation du patrimoine paysager et végétal, l'amélioration du cadre de vie, l'aménagement et le développement durable du territoire, le label villes et villages fleuris participe pleinement à l'attractivité des communes et de la région". Nombreux sont ceux qui croiront certainement ces belles paroles, mais, sans vouloir casser la gaieté inhérente au redémarrage de la végétation, nous devons avouer que le MRC 08 n'en fera pas partie.

Pourquoi une telle attitude rabat-joie, vous demandez-vous sûrement en vous grattant désespérément la tête ? D'abord parce que le dernier recensement, officialisé en début d'année, a montré que la région Champagne-Ardenne est la seule de France à perdre des habitants. Le lien entre le fleurissement et l'attractivité du territoire est donc pour le moins hasardeux! Ensuite, parce que, si sur les 9 communes ardennaises ayant obtenu en 2008 leur 1ère fleur 8 ont vu leur population progresser en moyenne du chiffre très enviable de 8 %, sur les 21 communes ardennaises possédant déjà 3 fleurs, 11 ont vu le nombre de leurs habitants diminuer. Pire, sur les 5 nouvelles communes du département ayant intégré cette catégorie, 4 ont connu une baisse de leur population dépassant en moyenne 5 %! Enfin, notre scepticisme sur les bienfaits du fleurissement s'explique par la contraction continue depuis 1982 de la population de Semide ... qui est la seule commune ardennaise ayant le droit d'arborer 4 fleurs. Contrairement aux beaux discours des ayatollah de l'amélioration du cadre de vie par la valorisation du cadre végétal des communes, la preuve est donc largement faite que, si cette méthode est très agréable à l'oeil, son impact sur l'activité économique et au-delà sur la population des communes est plus qu'aléatoire. Sans condamner les efforts d'embellissement qui sont toujours utiles, nous considérons donc que les communes ne doivent pas en faire une de leurs priorités et que l'argent consacré à ce que certaines personnes appellent avec ironie "la course au trèfle" pourrait être employé de manière bien plus efficace.

4 commentaires:

Ophélie a dit…

Ahhh les fleurs... Pourquoi se borner à consacrer un budget important au fleurissement alors que si l'on ouvre ses yeux, on peut s'apercevoir qu'un magnifique paysage nous entoure?! Le pire c'est que c'est de l'excès; quelques jardinières de fleurs ne dérangeraient pas mais là on a l'impression de vivre au milieu des fleurs! Mais on m'a déjà dit qu'il fallait bien faire travailler les ouvriers communaux! Moi je veux bien, mais il y aurait tellement mieux à faire...
Et puis tout le monde le sait, les fleurs possèdent un pouvoir qui réjouit certains d'entre nous: le pouvoir d'attirer les touristes!!!
Le trèfle, auto-collant que l'on "gagne": il faut payer pour l'obtenir et le coller sur le beau panneau! Courez après les trèfles messieurs, et vous petits trèfles courez aussi et ramenez nous des touristes!

S.Baumel a dit…

Mille % d'accord avec vous, et même avec Ophélie à qui je rappelle qu'une fleur aussi, comme un élu, ça s'arrose, au point du jour (citons Du Bellay), au point de coûter cher, au poing (levé, camarades). La course à la fleur permet aussi de fêter ça au champagne (c'est du vécu !). Si les deux sujets se suivent et se ressemblent sur ce blog, ce n'est pas par hasard. La fleur sur le panneau de la ville est à la préservation de l'environnement et au développement durable ce que la poupée Barbie est à la féminité. Société de vernis éphémère, de toc et d'apparat, travail de forme et non de fond, élus moutons de Panurge.
Il est aussi indécent de claquer les deniers communaux à ces vitrines futiles qu'à les justifier par l'occupation du personnel qui pourrait recevoir une réelle formation sur la gestion écologique des espaces urbains. Seule consolation : les fleurs méllifères pour offrir à nos auxiliaires polénisateurs des oasis urbaines de survie loin des champs toxiques.
Alors encourager vos voisins à planter un carré de fleurs sauvages méllifères et à l'abandonner, à ne plus tondre leur pelouses, à laisser fleurir naturellement, à arrêter ces bruits de moteurs étrangers à la quiétude de l'Ardenne, à contempler plutôt qu'à massacrer. Et en passant, la critique de la course à la nième fleur était aussi présente au programme de Givet Autrement lors de la dernière campagne municipale, ainsi que des propositions environnementales. Gazon Maudit ! & Vive le Flower Power.

Vigilant pour l'avenir de la Pointe a dit…

Merci Eufrasio pour ce complément de réflexion qui appuie encore plus l'argumentation développée dans ce petit article. Vous avez parfaitement raison : c'est un "travail de forme et non de fond" qui n'apporte rien au développement durable. C'est bien dommage lorsqu'on connaît les sommes qui sont consacrées dans certains budgets communaux au fleurissement!

Par ailleurs, cela prouve que la liste "Givet autrement" avait de bonnes idées qui traduisaient une vraie réflexion de fond, du moins sur certains sujets. Malheureusement, sans vouloir porter de jugement sur les personnes, il faut avouer que c'était un peu le pot de terre contre le pot de fer : d'un côté, l'expérience et un réseau de "clients" redevables ... et de l'autre la fougue, mais pas toujours canalisée, et la nécessité de se créer une crédibilité. Le combat était déséquilibré!

Quant à Ophélie, merci pour cette bien jolie expression de "course au trèfle" que tu as laissée sur ce blog cet été.

Ophélie a dit…

Nous sommes donc bien d'accord sur le fait que tout ce qui s'arrose coûte cher! Je suis tout à fait d'accord avec la notion de "élus, moutons de Panurge"!
Et oui, on connaissait la course aux armements ainsi que la course à la paix; et bien maintenant on connait la course au trèfle... J'y tiens à cette expression, ça reflète bien la situation!