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jeudi 10 juin 2010

Enia : une reprise qui amène à se poser des questions !


Dans le tissu industriel du Sedanais, Enia occupe une place à part. Descendante des établissements Sommer, cette usine, créée en 1961 à Glaire et spécialisée dans la fabrication de dalles-moquettes et de revêtements aiguilletés pour HLM et grandes collectivités, fait partie intégrante non seulement du paysage mais aussi de l'histoire collective de la population. Vendue à prix d'or en juin 2006 au leader européen du textile résidentiel, la petite multinationale suisse Enia Carpets (1000 salariés travaillant en Suisse bien sûr, mais aussi aux Pays-Bas, en Allemagne, en Espagne, en Serbie et en Ukraine) elle-même fondée en 2001 par des anciens cadres de la grosse multinationale Forbo, leader mondial des revêtement de sol, elle a connu depuis une chute abyssale de son chiffre d'affaires qui est passé en 3 ans de 72 millions d'euros à seulement 33 ! Pour faire face à cette situation, l'entreprise, qui comptait au moment de son changement de propriétaire 313 salariés, s'est d'abord séparée en 2008 de ses 29 intérimaires, puis elle a renoncé à remplacer les départs en retraite. Ces remèdes s'avérant insuffisants, elle a ensuite procédé à 96 licenciements en janvier 2009, ce qui ne l'a pas empêché de déposer le bilan le 07 janvier 2010 et d'être alors placée en rederssement judiciaire.

Heureusement, trois repreneurs se sont très vite déclarés : Vincent Py, l'ex-directeur du site, qui prévoyait avec l'appui du PDG des Transports Michaux de maintenir 121 emplois sur les 202 encore existants; Aixone Lux, une société luxembourgeoise spécialisée dans les investissements dans des entreprises en difficulté possédant un savoir-faire encore valorisable, qui envisageait de conserver 166 emplois mais aussi de supprimer certains avantages sociaux comme le 13ème mois et les primes ; Michel Grosselin, ancien directeur commercial de Forbo Reims, qui s'engageait, avec l'appui discret de l'ancien directeur du site qui avait réalisé sa vente en 2006 au groupe Enia, à garder 151 salariés. De quoi limiter la casse sociale, mais pas assez pour convaincre les syndicats qui ont déclaré à la fin du mois d'avril "qu'aucun des 3 dossiers présentés n'est recevable en l'état" et encore moins pour enthousiasmer le tribunal de commerce qui a différé à 2 reprises sa décision avant d'accepter le 1er juin le seul projet encore en lice, celui de Michel Grosselin.

L'essentiel a donc été sauvegardé puisque l'usine peut continuer son activité ... avec un effectif cependant divisé par 2 depuis juin 2006. Pourtant, même si les pouvoirs publics présentent cette reprise comme une victoire exemplaire du volontarisme politique, elle amène le MRC 08 à se poser quelques questions : pourquoi la banque la plus importante du département, à savoir le Crédit Agricole du Nord Est, a-t-elle refusé de participer au montage financier mis en place par le repreneur ? Pourquoi a-t-il été indispensable que l'Etat, via Oséo, garantisse les prêts bancaires à hauteur de 55 % pour que 2 des 5 banques sollicitées acceptent à l'ultime moment de dénouer les cordons de leur bourse ? Pourquoi cette reprise d'une entreprise privée par un acteur privé a-t-elle été financée à 58 % par des fonds publics fournis par l'Etat (1,5 millions d'euros) et les collectivités territoriales (1,4 millions) ? Pourquoi les membres du tribunal de Sedan ont-ils estimé nécessaire de faire figurer dans le jugement de reprise l'interdiction de céder les actifs pendant 2 ans et de transférer l'activité sur un autre site pendant 3 ans ? Pourquoi la société Aixone Lux, pourtant spécialisée dans la reprise des entreprises en difficulté , a-t-elle jeté si vire l'éponge ?

Toutes ces questions trouveront tôt ou tard une réponse, mais elles augurent mal de l'avenir de Tecsom, le nouveau nom du site Enia de Glaire, dont on peut légitimement craindre qu'il ressemblera à tout sauf à un long fleuve tranquille ...

3 commentaires:

arduinna a dit…

Jamais 2 sans 3. Après Thomé génot et Lenoir et Mernier, voici le scandale Enia dans les tuyaux.

jcvb a dit…

l'Etat a donné encore plus si on considére que ENIA a laissé une ardoise de 6 MILLIONS € à l'Urssaf08 ....avec la bénédiction de la préfecture ! silence dans la vallée !!!!cette "reprise" est effectivement troublante car ce sont nos impôts qui sont investis :la capitalisme est malin , désormais l'assistanat est roi chez les patrons !! jcvb

Vigilant pour l'avenir de la Pointe a dit…

Une pièce de plus à verser dans ce dossier décidemment de plus en plus troublant ! En soi, on ne peut pas être contre le forcing qui a été fait par les pouvoirs publics, mais quand on regarde de près le montage financier mis en place, il y a de quoi être inquiet. D'ailleurs, une autre question se pose : pourquoi un ex-cadre de Forbo réussirait-il là où plusieurs ex-cadres de la même compagnie (Enia Carpets a tout de même été fondée en 2001 par des gens issus de Forbo !)ont échoué ?