Jean-Pierre Chevènement, invité de LCI

Chevènement : "on a détruit l'école de l'intérieur"


dimanche 27 janvier 2008

Tourisme: le bon sens revient enfin!

Les Ardennes souffrent d'une crise économique, tout le monde le sait. Elle ne date pas d'hier, ni même d'avant-hier, mais du début des années 1980: elle a donc déjà plus d'un quart de siècle! Bien évidemment, nos dirigeants politiques départementaux de tous bords ont multiplié les initiatives pour essayer de la résoudre. Parmi elles, il y a d'abord eu l'appel à l'aide de l'Etat pour qu'il encourage dans le cadre de sa politique volontariste d'aménagement du territoire une réindustrialisation, ce qui a abouti à une spécialisation excessive et dangereuse de l'industrie ardennaise dans la sous-traitance automobile. Puis, il y a eu la construction de zones d'activités à proximité de voies de communications rapides, les travaux de désenclavement qui ont permis l'achèvement laborieux de la liaison autoroutière entre Reims et Charleville-Mézières ainsi que l'arrivée récente du TGV-est et la multiplication des efforts de communication à destination des investisseurs extérieurs potentiels. Surtout, pleins de confiance dans le génie visionnaire du général de Gaulle qui avait suggéré lors de sa visite dans le département en 1963 la création des Ardennes vertes, ils ont encouragé de toutes leurs forces le développement du tourisme.
Telles les fleurs dans un jardin à la japonaise, des activités touristiques ont ainsi éclos un peu partout, dans une joyeuse anarchie. Certaines, modestes, s'efforçaient de valoriser les atouts locaux dont le département est si riche, qu'ils soient naturels ou industriels. D'autres, plus importantes, ambitionnaient d'attirer des dizaines de milliers de touristes en mettant à leur disposition des aménagements historiques, ludiques ou éducatifs de très grande qualité. Appliquant la formule de Tchékov dans "la cerisaie" selon laquelle parfois "la pagaille s'améliore", le Conseil général puis le Conseil régional se sont alors efforcés de créer un cadre pour canaliser ce foisonnement d'initiatives: cela s'est traduit en 2005 par l'adoption d'un schéma départemental de développement du tourisme puis en 2006 par celle d'un schéma régional pour l'aménagement, le développement et l'organisation du tourisme. Tout semblait alors en place pour que cette activité connaisse l'explosion tant attendue qui sortirait les Ardennes de leur marasme.
Hélas, malgré les multiples aides fournies par les collectivités territoriales, les chiffres du tourisme ardennais sont restés toujours aussi décevants: à peine 1200 emplois directs, 40 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel (petite précision du MRC-08: la centrale de Chooz injecte à elle seule 85 millions dans l'économie ardennaise chaque année!) et des pertes quasi généralisées dont certaines comme le déficit abyssal de Nocturnia ont fait la une de l'actualité. Seul le château de Sedan et dans une moindre mesure le musée de la forêt de Renwez ont réussi à tirer leur épingle du jeu et à développer des activités rentables et créatrices d'emplois. Devant ce constat, les pouvoirs publics ont décidé de changer leur fusil d'épaule et de retirer la priorité qu'ils accordaient au tourisme. Pour preuve, dans le contrat de développement économique signé entre le Conseil général et l'Etat en mars 2007 et portant sur un engagement total de 500 millions d'euros, seulement 11,3 millions sont consacrés aux activités touristiques parmi lesquels 10,9 seront affectés à la finalisation de la voie verte en bordure de Meuse. Quant au Conseil régional, il a adopté la même attitude puisque dans le contrat de projets Etat-région signé au début 2007, il n'a alloué que 31 millions d'euros sur un total de 462 au 9ème grand projet à l'intérieur duquel le tourisme ne constitue qu'une des 5 activités.
C'en est donc fini de la chimère du sauvetage des Ardennes par le tourisme. Le bon sens est enfin revenu ... sauf dans quelques isolats qui persistent envers et contre tout à privilégier cette activité en continuant à construire des équipements luxueux totalement déconnectés des réalités économiques. Parmi eux, on trouve en tête la Communauté de communes Ardenne Rives de Meuse qui souhaite compléter son centre aqualudique au déficit monstrueux et son parc Terr'altitude au déficit plus mesuré par la réhabilitation du fort Condé à Givet en un musée interactif nécessitant la bagatelle de 40.000 visiteurs pour atteindre l'équilibre financier! Si l'on en croit le vieux proverbe romain selon lequel "l'erreur est humaine mais la persévérance diabolique", nous en connaissons certains, y compris deux candidats aux élections cantonales, qui risquent de frapper longtemps à la porte du Paradis...

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