Comme la plupart des équipementiers automobiles, l'entreprise fumacienne Godart SA, spécialisée dans les composants tubulaires métalliques pour la circulation des fluides dans le moteur d'un véhicule (huile, eau, carburant et gaz), filiale à 100 % du groupe européen Westaflex lui même détenu à 85 % par la multinationale Maruyasu Industries, connaît depuis quelques mois de très grosses difficultés. La chute de son carnet de commandes provenant essentiellement de Daimler (43 % du chiffre d'affaire), de Renault (28 % du CA) et de Toyota (21 % du CA) a été tellement forte qu'elle a d'abord licencié en février 28 de ses 140 salariés, avant de recourir à des mesures de modulation du temps de travail (les salariés travaillent moins maintenant en attendant, dans le cadre d'un accord d'annualisation du temps de travail, des jours meilleurs qui leur permettront de travailler plus) et à la mise en place d'un chômage partiel dont la durée varie en fonction de l'arrivée très erratique des commandes. Si l'ordre suivi dans la prise de ces mesures d'adaptation peut susciter des interrogations (pourquoi des licenciements secs avant le chômage partiel ?), elles traduisent toutes l'existence de problèmes très sérieux. Les clignotants de Godart SA sont donc au rouge, au rouge vif même ... et pourtant cette entreprise s'apprête à annoncer la création très prochaine d'une société : PR.O.P. Fumay SAS. Cette nouvelle entreprise, spécialisée comme ses initiales l'indiquent dans la production de pièces de rechange, d'outillage et de prototypes, reprendra l'atelier de Godart SA (10 salariés et 1 million d'euros de chiffre d'affaires) qui réalisait jusqu'à présent ces activités et elle s'efforcera de rendre le process actuel plus industriel pour traiter environ 4 millions d'euros sur les 7 millions actuellement sous-traités dans ces domaines par Westaflex.
A priori, c'est une bonne nouvelle, une excellente nouvelle même puisque PR.O.P. Fumay SAS envisage, dans le cadre de ce que ses initiateurs appellent "une démarche citoyenne", l'embauche sur 2 ans de 15 personnes du bassin de Fumay recrutées en priorité parmi les licenciés de février. Hélas, si on écaille le vernis et si on regarde les choses de plus près, la réalité est nettement moins séduisante. Pourquoi ? Tout simplement parce que la nouvelle société, qui exploitera son activité dans une partie des locaux de Godart SA à Fumay et qui sera détenue majoritairement par les salariés de Godart SA à l'origine du projet et minoritairement par la société holding "Fumay Participations" ouverte au reste des salariés de Godart SA, travaillera dans un 1er temps exclusivement pour Godart SA et sa maison-mère Westaflex en attendant d'éventuels autres clients. En clair, il s'agit d'un appendice de Godart SA qui a une seule raison d'exister : profiter des avantages offerts par le Bassin d'Emploi à Redynamiser des Ardennes (la fameuse zone franche dont fait partie Fumay), à savoir une exonération des charges sociales et de l'impôt sur les sociétés pendant 7 ans ainsi que de la taxe professionnelle et de la taxe foncière pendant 5 ans, auxquels Godart SA ne peut plus prétendre puisqu'elle a procédé à des licenciements pour motif économique depuis moins de 12 mois!
Cette création, qui n'est en fait qu'une extension déguisée, constituera donc un détournement, pour ne pas dire un dévoiement, de la zone franche dont l'objectif est d'aider à la création dans un territoire économiquement sinistré (taux de chômage supérieur de 3 points à la moyenne nationale, baisse annuelle moyenne de la population supérieure à 0,15 % entre les 2 derniers recensements et baisse annuelle moyenne des emplois entre 2000 et 2004 supérieure à 0,75 %) d'emplois pérennes. De plus, elle est dangereuse pour les 10 salariés transférés pas Godart SA qui ne bénéficieront pas, en cas toujours possible d'échec, d'un plan de sauvegarde de l'emploi puisque celui-ci n'est obligatoire que dans les entreprises de plus de 50 salariés. Enfin, elle diminuera les recettes fiscales de la ville de Fumay dans la mesure où une partie des immobilisations de Godart SA, qui servent de base pour le calcul de sa taxe professionnelle, sera transférée à PR.O.P. Fumay SAS qui sera, elle, dispensée de cet impôt. Le MRC 08 condamne donc ce subterfuge à courte vue utilisé par des acteurs économiques plus soucieux de leur porte-feuille et des critères de rentabilité immédiate que du développement harmonieux du territoire et des considérations sociales. Nous invitons aussi les dirigeants de la Communauté de communes Ardenne Rives de Meuse, auxquels une avance remboursable d'au moins 300.000 euros a été demandée, à faire preuve de discernement dans cette affaire et de ne pas encourager des comportements certes légaux, mais totalement immoraux, contrairement à l'Etat français qui n'a pas éprouvé de scrupule à remettre au très honorable Takao Yamada, le président de Maruyasu Industries, les insignes de chevalier dans l'Ordre national de la Légion d'honneur, pour avoir investi ses capitaux et son savoir-faire en France, le 26 février 2009 ... soit 7 jours seulement après le licenciement de 28 salariés à Godart SA!
3 commentaires:
excellent article qui décripte une tentative d'utilisation des fonds publics à des fins d'intérêts privés ! Le controle de l'utilisation des aides publiques est une proposition majeure du FRONT DE GAUCHE ! jcvb
C'est vrai que c'est un excellent article qui révèle 2 choses navrante : certains patrons sans scrupules n'hésitent pas à se servir des systèmes en place pour s'enrichir au lieu de développer l'économie et on peut recevoir la légion d'honneur comme remerciement pour avoir licencier des dizaines de salariés. Quel monde bizarre, on marche vraiment sur la tête et il serait temps de controler les aides publiques.
Si c'est une proposition majeure du Front de Gauche, alors je vote pour lui et j'espère que je ne serais pas le seul
Ce que je trouve le plus étrange, c'est que ce projet futur surgit pendant une période plutôt inquiétante... Fin juin, le "grand patron",comme disent les ouvriers, se rendra sur le site de Fumay pour un bilan, sans aucun doute très négatif! Le bruit court qu'une nouvelle vague de 20 licenciements suivra cette visite...
Comment pouvoir se projeter dans un bel avenir sans orages alors que le bateau sombre petit à petit?
Seuls 22 ouvriers travaillent réellement en ce moment et ce une semaine sur deux! Les équipes de productions s'arrêteront sans doute ce mercredi et ne reprendront pas avant le 02 juin!
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