Cela vous a sans doute échappé, mais l’année dernière, une toile du peintre américain Cy Twombly a défrayé la chronique après avoir été embrassée dans une galerie par une artiste cambodgienne : ça s’est remarqué, car la toile était un monochrome blanc ! L’avantage avec ce genre de toiles entièrement blanches, c’est qu’on peut facilement faire un copié-collé du tableau. Le désavantage, c’est qu’une tâche de rouge à lèvres dessus se voit aisément. Ce chef-d’œuvre (?) de l’art contemporain a été vendu pour 2 millions d’euros chez Sotheby’s… avant cette affaire du rouge à lèvres, qui lui a donné plus de valeur encore. Une telle acquisition irait tout à fait dans la logique comptable du sémillant apolitique de Droite non encarté Claude Wallendorff car la merveille est susceptible d’intéresser des investisseurs comme Bernard Arnault (oui, le type plein aux as qu’on voit dans Paris Match et qui donne ses ordres à l’Elysée) et d’être revendue avec 20 % de profits l’année suivante : voilà de la bonne conception et du vrai art.
En revanche, Eric Sleziak est un modeste tâcheron même pas coté chez Christie’s, il travaille pour sa région, l’idiot et il s’est fait suer le burnous pendant onze ans sans rien en tirer, ce qui, en bonne logique capitaliste, est lamentable. Il prétend rendre hommage aux travailleurs et aux petits métiers, les ouvriers des Ardennes en l’occurrence vu qu’il a d’abord été métallo, mais aussi les vignerons dans la Marne. Il a un atelier à Bogny-sur-Meuse, car il n’y a pas de place pour une laie en fonte de 50 tonnes et de 14 mètres de long dans les galeries de la rue Saint-Honoré. Et puis son oeuvre n’exprime aucun frémissement de l’être ou de murmure désincarné, c’est même pas un animal civilisé genre lévrier afghan ou chat sans poil, c’est une simple bête prolétarienne avec un nom à coucher dehors : Woinic, je vous jure, alors que Variation en fonte mineure aurait été tellement plus tendance ! L’artiste en a obtenu 600 000 euros, trois fois moins que le monochrome qui n’a pas nécessité, lui, 12 000 heures de travail, avec les frais de livraisons à sa charge. Autant dire une misère au regard des dernières transactions sur le marché de l’art! Un tel dédain pour la logique comptable paraîtra sans doute à beaucoup dépassé en ces temps où le slogan à la mode est : « Travaillez plus pour gagner plus ». Par ailleurs, son machin va perturber la circulation pendant quelques jours, déjà que les parigots ne veulent pas venir, et l’aire d’autoroute où elle aboutira n’aura rien d’un palais vénitien, mais s’appellera Saulces-Monclin-Faissault comme tout le monde.
De façon générale, ceux qui crachent sur l’art dit populaire nous insupportent au plus haut point. C’est pourquoi le MRC-08 a plaisir à rendre hommage au travail et au talent du sculpteur bognysien et se réjouit que le Conseil général des Ardennes subventionne, avec un peu de retard il est vrai, ce qui pourrait bien devenir un des emblèmes du département. Certes, nous ne sommes pas dupes : c’est une façon, sans doute, de se donner bonne conscience en ces temps de disparition des emplois industriels de la vallée, mais tout le monde reconnaîtra qu’il aurait été dommage d’offrir une telle merveille à Berlusconi…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire