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samedi 6 décembre 2008

Travail du dimanche: les vraies raisons d'être contre


Dans un article paru le jour de la Saint Nicolas dans les colonnes de « l’Ardennais », Joël Dujeux, président du Football Club de Flohimont et par ailleurs secrétaire de la section socialiste du canton de Givet qui se voit déjà tout en haut de l'affiche, a joué les Pères Fouettards de service en condamnant fermement la volonté du gouvernement de généraliser le travail du dimanche au prétexte qu’elle créera « des difficultés aux associations et aux responsables bénévoles qui s’investissent quotidiennement». Sur le fond, le MRC 08 ne peut qu'approuver cette condamnation, mais notre opposition à la suppression du repos dominical repose sur 3 bases qui nous paraissent autrement plus graves que les difficulté à venir pour le milieu associatif.

La première est économique. Même en nous forçant, nous n'arrivons pas à voir en quoi l’ouverture d’un jour supplémentaire augmentera le pouvoir d’achat des Français et par conséquent le chiffre d’affaires total réalisé par les commerçants. Tout au plus les ventes effectuées le dimanche nous semblent de nature à réduire celles du reste de la semaine. Pire, cette ouverture présentée comme volontaire obligera à terme tous les commerces à lever leur rideau pour empêcher la fuite d’une partie de leur clientèle vers les magasins acceptant de renoncer au repos dominical. La deuxième base est sociale. Le travail du dimanche est annoncé comme devant reposer exclusivement sur le volontariat. Mais une étude récente a montré que seuls 39% des actifs y étaient favorables contre 51% des étudiants, 55% des chômeurs ayant déjà travaillé et 61% des chômeurs à la recherche d’un premier emploi. Travailler le dimanche est donc une concession des précaires et non pas un désir profond des actifs, qui risque de se transformer insidieusement en obligation sous peine pour les récalcitrants de se retrouver en 1ère ligne lors d’éventuelles réductions d’effectifs.

Enfin, la troisième base, qui à nos yeux est encore plus importante, est d’ordre sociétale. En faisant preuve du plus bel optimisme qui soit et en admettant que l’ouverture du dimanche permette de développer la croissance, faut-il pour autant abandonner l’idée d’une journée de repos passée ensemble à l’heure où suffisamment de personnes souffrent de la solitude, où suffisamment d’enfants ne voient que très peu leurs parents, où suffisamment de salariés souffrent de ne pas passer assez de temps avec leur conjoint ou leur concubin ? Certains répondront que oui, mais ce serait alors accepter de s’enfoncer un peu plus encore dans une société individualistel’argent n’est pas considéré comme un bon serviteur, mais comme un souverain et où l’homme serait rabaissé au rang d’homo economicus avec comme seul horizon le travail et l’achat.

Pour notre part, nous nous refusons au MRC 08 à accepter ce que nous considèrons comme une régression de plusieurs siècles et nous souhaitons vivement que les partisans du travail dominical comprennent que, si le « vouloir d’achat » d’une minorité est tout à fait légitime dans une société consumériste, il n’est socialement acceptable que si la majorité se voit gratifier d’une augmentation de son « pouvoir d’achat ». Dans le cas contraire, cela ne ferait qu’ajouter des tensions inutiles dans notre société qui a déjà suffisamment de difficultés à résoudre.

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