Depuis 2004, l’INSEE a changé sa méthode pour compter les Français. Désormais, le recensement de la population est organisé par enquêtes annuelles tournantes portant sur 20 % des communes de moins de 10.000 habitants et 8 % des logements de celles dépassant ce seuil, et non plus par un comptage exhaustif tel qu’il était réalisé auparavant tous les 8 à 9 ans. Quel est l’avantage de cette méthode sur la pratique mise en place en 1802 par le futur empereur Napoléon 1er ? Officiellement, c’est de disposer de chiffres actualisés chaque année, puisque la population légale et les indicateurs démographiques associés sont le résultat glissant des 5 dernières années d’enquête, ce qui est tout à fait louable. Officieusement, c’est d’étaler le travail immense engendré par un recensement exhaustif sur plusieurs années, ce qui limite les besoins en personnel et permettra ainsi à l’INSEE d’atteindre l’objectif qui lui a été fixé en 2007 de réduire de 5,4 % ses emplois sur 3 ans.
Le 1er janvier 2009, les chiffres « millésimés » 2006, année médiane des 5 années d’enquête commencées en 2004, ont été publiés. Ils révèlent que la France compte 63.185.925 habitants, soit 5,5 % de plus qu’en 1999. Toutes les régions voient leur population progresser, à un rythme il est vrai très variable, sauf une, ce qui se traduit sur les cartes par un îlot bleu au milieu d’un océan de couleurs rougeâtres. Quelle est cette exception ? La Champagne-Ardenne hélas qui, avec 1.338.850 habitants, perd en moyenne 630 personnes par an. Cela n’a donc rien d’une saignée démographique, mais il faut bien reconnaître que c’est la preuve de difficultés sérieuses qui ne sont pas encore surmontées. Dans le détail, ce recul s’explique par le très mauvais chiffre de la Haute Marne, qui est le département français perdant le plus de population, et par celui à peine meilleur des Ardennes qui occupent l’avant-dernière position avec 294.635 habitants, soit 1,51 % de moins qu’en 1999.
Si on analyse plus précisément les données concernant notre département, on peut se rendre compte qu’il connaît 2 évolutions inquiétantes. La 1ère est que l’accroissement naturel, qui en 1999 était proche de celui de la France, a fortement baissé en passant de + 0,32 % par an à + 0,22 % , ce qui ne représente plus que la moitié du taux national. La faute à la natalité ou à la mortalité ? A la première qui est passée de 12,8 ‰ en 1999 à 11,9 ‰ alors que la moyenne du pays a progressé légèrement pour atteindre 12,9 ‰ contre 12,7 ‰ en 1999. La natalité ardennaise est donc maintenant inférieure à la natalité française, ce qui est une première! La 2ème évolution est que le solde migratoire, négatif depuis bien longtemps mais de plus en plus faiblement, s'est désormais stabilisé à – 0,5 % par an. Le déficit des arrivées sur les départs dépasse donc maintenant largement l’excédent des naissances sur les décès. Tout le monde reconnaîtra que cette situation n’est pas bonne, et ceux qui se projettent dans l’avenir, comme le MRC 08 s’efforce de faire, comprennent qu’elle augure d’un avenir encore plus sombre puisque les départs concernent surtout les jeunes actifs, c'est-à-dire ceux qui contribuent le plus à la natalité.
Cependant, si les Ardennes connaissent globalement une baisse de population, les chiffres varient considérablement d’un canton à l’autre. Ainsi, sur les 37 que compte notre département, seuls 13 voient leur nombre d’habitants diminuer, à savoir les cantons urbains de Rethel, Vouziers, Sedan-est et Charleville-Mézières qui continuent à être victimes de l’exurbanisation qui a cessé dans le reste de la France, et surtout ceux de la vallée de la Meuse et de la Pointe qui subissent de plein fouet la désindustrialisation. 5 sont à peu près stables et 19, c'est-à-dire la majorité, bénéficient d’une augmentation de leur population. Parmi eux, la palme revient au canton de Juniville (+14,5 %) qui profite de l’arrivée d’une partie des habitants de Rethel et du passage de l’A34 qui relie la sous-préfecture à Reims. Suivent les cantons d’Omont (+12,3 %) et de Renwez (+9,9 %) qui bénéficient de l’exurbanisation qui touche Charleville-Mézières et, pour le 1er, de l’achèvement de l’A34 entre le chef-lieu et Rethel. Quant aux autres, ils recueillent les fruits de la rurbanisation, c'est-à-dire de l’installation d’anciens citadins dans les communes situées au-delà de la zone périurbaine.
Enfin, si on affine l’étude, on doit constater que les 9 premières villes des Ardennes connaissent une baisse qui est particulièrement inquiétante à Fumay (-12,4 %), à Revin (-11,7 %) et à Vouziers (-9,3 %). On peut aussi remarquer que la population légale de Vivier au Court franchit le seuil des 3.500 habitants, ce qui se traduira par une hausse des conseillers municipaux, du nombre de grands électeurs et des indemnités des élus, ainsi que par l’élection du conseil municipal au scrutin de liste fermée avec parité et par l’obligation de procéder à un débat d’orientation budgétaire. A l’inverse, Villers-Semeuse franchit ce seuil à la baisse et connaîtra désormais les joies du scrutin plurinominal qui permet les listes incomplètes, les candidatures individuelles ou encore la participation au 2ème tour sans avoir été présent au 1er. Le seuil de 2.500 est franchi à la hausse par Floing qui aura ainsi 4 conseillers municipaux et 2 grands électeurs en plus. Il en sera de même de Montcy Notre Dame et de Renwez qui ont dépassé la barre des 1.500 habitants. Quant aux 7 communes qui ont dépassé les 1.000 habitants, elles verront leurs élus recevoir des indemnités plus élevées, alors que ceux d’Aubrives et de Boulzicourt subiront les conséquences financières de leur incapacité à maintenir leur population légale au dessus de ce chiffre. De même, les 5 communes ayant franchi le cap des 500 habitants profiteront à l’avenir de 4 conseillers municipaux et de 2 grands électeurs supplémentaires, d’indemnités plus fortes pour les élus et d’une dotation plus généreuse de l’Etat, alors que Grandpré perdra ces avantages. Enfin, les 15 communes qui dépassent désormais 100 habitants témoignent de la vigueur de la rurbanisation en cours.
Au total, ce recensement démontre donc, qu’au-delà d’une baisse globale de la population, les Ardennes connaissent des situations très contrastées. Elles découlent de la géographie bien sûr, mais aussi de la diversité et de la modernité du tissu économique ainsi que de la présence d’axes de communication performants. Il prouve ainsi que la situation démographique actuelle n’a rien d’inéluctable et que les politiques, par leurs décisions, peuvent la redresser. Encore faut-il qu’ils ne se trompent pas dans leurs priorités…
3 commentaires:
C'est normal que les jeunes partent puisqu'il n'y a pas d'avenir pour eux ici ! Vu la politique qu'ils mènent, nos dirigeants feraient mieux de revoir leurs priorités et de privilégier l'intérêt général.
Quelle bonne surprise! Je constate avec un réel plaisir que la personne avec qui je parle très souvent de ce qui se trame dans le coin s'est ENFIN décidée à poster sur ce blog!
Les jeunes actifs partent, la région vieillit mais pourquoi nos dirigeants ne se battent pas corps et âme pour faire en sorte que cela change un minimum?!!!
C'est sûr que si nos dirigeants ont pour principale priorité d'investir dans le développement touristique on est pas sorti de l'auberge!
L'intérêt général, voila ce qui devrait guider l'action de tous nos décideurs politiques et non pas l'assouvissement de tel ou tel fantasme économique.
Le développement touristique est l'exemple même de la mesure inadaptée. En soi, l'idée n'est pas totalement sotte, mais qui peut sérieusement croire que c'est dans cette activité que pourra se reconvertir l'ouvrier qui a travaillé dans une fonderie depuis l'âge de 14 ans et qui se retrouve au chômage à 50 ans ?
Il faut mettre l'individu au centre de toute réflexion, mais pas l'individu théorique, celui qui habite dans la Pointe avec ses caractéristiques particulières.
Enregistrer un commentaire